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1) L’enfance de l’Art
Ma mère raconte qu’à 2 ans, elle me faisait dessiner pendant des heures sur le coin de la table de cuisine, remplissant des pages de lignes qui selon elle avait du sens. Merci à ma mère, pour sa patience et ses encouragements mais selon moi, c’est à mon père que je dois ma détermination pour les Arts car à 8 ans mon père exposa un de mes dessin sur le frigo. Ce père que je détestais tant et qui m’avait toujours critiqué pour tout et que le problème que j’avais étais d’être vivant… Mais, ce simple geste d’afficher ainsi un de mes dessins m’a donné la motivation de me dépasser et le désir de continuer à m’améliorer. Soudainement, je n’étais plus un bon à rien mais un bon à quelque chose. Je me suis ensuite mis à dessiner fébrilement tout le petit monde qui m’entourait et j’ai développé ainsi lentement le petit talent qui m’habitait. À 11 ans, j’ai envoyé un de mes dessins à l’émission Bobino et je serai fier de voir mon dessin sur notre tv en noir et blanc et quelle surprise de recevoir quelques jours plus tard un magnifique jeton Bobino! En 1963, à 12 ans je voulais réaliser mon 1er vrai tableau, un portait de mon chien Milou, mais je n’avais aucun matériel pour le peindre. Alors, j’ai subtilisé à mon grand frère Antoine, ses petits godets de couleurs de peintures à numéros dont il était friand. Quand celui-ci vit mon tableau exposé fièrement dans ma chambre, Antoine choqué, pris mon tableau et le fendit en deux sur ses genoux. De nombreuses années plus tard, peu de temps avant sa mort, mon grand frère avouera qu’il avait toujours regretté son geste, parce que selon lui, j’avais mieux réussi sans numéro que lui avec ses numéros. Ma famille qui était pauvre, n’avait pas les moyens de me payer de « kit » de peinture alors à 15 ans, l’artiste en herbe que j’étais, a pris son vieux vélo, et a ramassé des bouteilles sur le bord du chemin afin de pouvoir s’acheter 5 petits tubes de couleurs à l’huile (rouge, bleu, jaune noir et blanc), J'ai pu ainsi poursuivre ma découverte de l’univers de la peinture. Merci à mon père qui m'a donné quelques cartons de fond de boîtes afin que je puisse m’en servir comme support à mes premières œuvres. Mais surtout merci à mère qui a tenu tête à mon père afin que je puisse m’inscrire pour faire des études en Arts...
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2) Les études Cégépiennes :
À 17 ans, j’étais bien naïf, puceau et sans expériences aucune et comme étudiant c’était pire. J’avais juste la passion irrésistible de peindre, mais mes professeurs m’ont rapidement perçu comme un « original » un « rebel » qui n’entrait pas dans le « moule ». Mes études collégiales ont donc été un combat constant entre son désir de créer et la contestation de mes apprentissages théoriques. Je ne pouvais et ne voulais pas me plier aux règles strictement académiques, je voulais m’exprimer librement. Avec une telle attitude il a été normal que je ne sois pas sélectionné lors des expositions annuelles officielles. C’est comme cela qu’avec d’autres exclus, nous avons organisé un « Salon des refusés » ou j’ai exposé un tableau grand format : « Le rêve du contestataire » qui résume très bien mon esprit de l’époque. Plusieurs étudiants furent renvoyés et j’ai compris que pour ne pas subir le même sort et recevoir ce diplôme tant désiré, il me faudrait faire quelques concessions. J’ai donc tenté très maladroitement d’intégrer de l’abstraction à mes tableaux figuratifs. Les résultats ont été très inégaux, je voulais exprimer mon déchirement intérieur entre ces deux tendances qui s’opposaient et se confrontaient en moi. Encore aujourd’hui, je crois que ma première année cégépienne a été réussie par charité chrétienne… Durant mes vacances d’été, mon statut artistique a vraiment changé avec « La Ruelle des Artistes d’Alma » où j’exposais mes œuvres et réalisait des portraits sur place. Cette expo d’un mois, m’a permis de constater que le regard des gens sur moi changeaient radicalement. En voyant mes œuvres, leurs yeux s’illuminaient et soudainement, à leurs yeux, je devenais quelqu’un, je quittais l’anonymat et mon invisibilité habituelle. Même sans argent, je me croyais alors riche d’un talent que l’on commençait à reconnaître. Sur place, un ami artiste m’invita à participer avec lui comme portraitiste, à la traversée du Lac-St-Jean et c’est cette expérience qui m’a convaincu que peu importe ce qui m’arriverais plus tard dans la vie, je pourrais toujours survivre en faisant des portraits. Ce qui explique peut-être aussi pourquoi après mes études les visages humains sont presque omniprésent dans mes tableaux.
3) Beauzarsait :
Mes débuts universitaires m’ont vite fait redescendre sur terre. La première année, je logeais dans une petite chambre avec un petit lit, une chaise et une commode. Interdiction de visite et pas question de pouvoir y travailler. Alors, dès que c’était possible, je passais de longues heures de solitudes dans les locaux d’Arts en me disant qu’autrefois ce lieu était un orphelinat et que c’était en ce lieu que mon père courtisait ma mère… Lors de l’évaluations de première session les critiques furent très difficiles pour moi, on qualifiait mes toiles de « kétaines », « chips » « banales illustrations » et j’en passe (Photos 1 et 2). Avec une note de D moins, j’avais le cœur brisé mais je savais que je devais me reprendre car l’échec n’était pas envisageable. La 2e année, j’ai retroussé mes manches et modifié mon approche artistique afin d’être plus conforme aux normes, aux exigences professorales et devenir même si possible appréciés d’eux. Google n’existant pas j’ai passés des heures interminables à la bibliothèque faire de longues recherches exhaustives sur la séquence mathématique de Fibonacci et les théories de Johannes Itten et Max Lücher sur la couleur. Je faisais des expériences en comparant les différents effets psychologique des variations vibratoires des nuances de couleurs en les confrontant à des teintes de gris colorés en utilisant les principes de contrastes simultanés et à l’aide de gradateurs d’intensité lumineuses. Lors des critiques de l’expo finale, de cette insipide recherche, n’a eues que des éloges, un succès incroyable, les profs éblouis voyaient mes tableaux exposés à New-York, Paris et Tokio… En une session, mon statut d’étudiant « rebel » venait de passer de zéro à Héro avec un A+ en peinture. Cependant j’étais malheureux et déçu de ne pas m’être respecté, et de n’avoir travaillé que pour les points en créant des tableaux qui n’étaient pas moi. J’ai finalement détruit la plupart des tableaux que j’avais présentés, choses que je regrette encore (). 3e année, je voulais toujours explorer, apprendre, découvrir et exprimer concrètement mes ressentis plus que jamais. À mon sens je commençais à peine à me découvrir en ouvrant mes horizons. J’avais tant appris de mes erreurs et avais encore tant à apprendre. Les profs eux considéraient qu’après 5 ans comme « Beauzarsait » (étudiant en Beaux-Arts), je devais obligatoirement avoir trouvé mon « JE », mon « STYLE ». La diplomation en peinture devait se faire par l’évaluation d’une exposition finale basée sur les thèmes obligatoires de : structures, mouvements et couleurs… J’avais qu’une session pour monter une exposition quelque part dans Chicoutimi, expo comportant un minimum de 30 tableaux, un vernissage, des invitées, des journaliste ect.. Notez que tout cela ce n’était que pour un cours. Il m’en restait quelques autres : Didactique, psychologie langage plastique, comportement pédagogique, laboratoire, recherche et création. Mais j’y suis arrivé en mai 1974 après j’avais finalement ce papier, qui ouvrirait les portes de ma destinée : un Baccalauréat spécialisé en enseignement des Arts Plastiques
4) L’enseignant c’est secondaire partie 1 1974/79
Je fréquentais mon premier amour depuis 4 ans et mon mariage a eu lieu le 24 août 1974. Tous deux fraîchement diplômés, il nous aura fallu faire 82 applications et 4 entrevues pour finalement obtenir chacun un poste sur la Côte-Nord; elle à Hauterive et moi à Baie-Comeau (1). Avec tous ces bouleversements, cette année-là, je n’avais hélas que peu ou pas de temps pour la peinture, même si je désirais toujours ardemment créer et devenir un artiste « célèbre ». Mais quoi créer? Là est toujours la grande question? Désormais, je n’avais plus de professeurs pour me dicter quoi peindre ou ne pas peindre. Je visitais des galeries, les musées et fouillais dans les livres et les revues pour en conclure qu’en peinture, tout avait déjà été créé. J'ai finalement réalisé qu’en regardant à l’intérieur de moi, rien n’avait été fait et que la page était blanche. Je m’inspire alors de mon métier d’enseignant et entreprend de peindre une série de tableaux éducatifs à partir d’un seul et même thème, un paysage (4). Je voulais démontrer différentes approches d’interprétations allant du surréalisme au symbolisme. Ces œuvres furent présentés au public pour ma première exposition solo à Baie-Comeau en 1976 (3). Après le succès de cette expo, le directeur de la galerie me fit signer un contrat d’exclusivité de 3 ans. Les expositions locales et régionales se sont succédées, c'était super, mais hélas l’intérêt de mon agent était d’avantage axé sur l'argent. Selon certains critères, je semblais avoir bien réussi: Des expos, un boulot une auto, une épouse et ne me manquais l'a maison... Toujours en 1976, j’ai entrepris de dessiner puis de construire moi-même l’intérieur de ma propre maison. Erreur! en construisant cette maison, mon mariage lui s’écroulait, mon épouse allant vivre avec un autre, pour ensuite me revenir... et en 2 ans, l'histoire se répétera 2 fois avec 2 autres hommes ... Au final, en 1978 c’est moi qui suis partis vivre seul dans un petit 3 et demi laissant la maison à mon épouse. Celle que j’aimais depuis 8 ans, que je voyais comme la mère de mes enfants, celle que je croyais ma muse n’était plus là et je n’avais plus vraiment le goût à rien. Je me suis réfugié dans mon travail et mon sauveur fut alors mon pinceau. Il deviendra l’exécutoire de mon âme déchirée et piétinée par les non-sens de ma vie. Laissant libre cours à mon désespoir, ce pinceau libéra mon trop plein eau d'émotions. On aurait dit qu’une séparation entre mon cerveau et mon cœur s’effectuait et que cette dissociation se voyait dans mes tableaux. Comme un univers distinct illustrant à la fois mon côté cartésien raisonnable et analytique qui veut tout contrôler et mon côté sensible introverti, caché que peu de gens connaissent. Comme un noyé qui veut désespérément émerger, l'art était mon salut et mes pinceaux son arme. Dans le tableau de la photo (2), je suis le personnage pensif en bas et derrière moi il y a un arbre aux branches coupées symbolisant mon impuissance face à cette situation qui me semblait sans issues. Le visage central c'est... devinez qui... Ce fut certainement une toile prémonitoire puisque quelques années plus tard elle a perdue 9 doigts sur 10 dans un stupide accident
Artistiquement, je voulais faire de plus grosses expositions et me faire connaître dans de grandes villes. Mais j’étais coincé avec un contrat d’exclusivité avec mon agent et il me fallait attendre encore 1 ans avant de pouvoir exposer ailleurs. À cette époque facebook et les symposiums, n’existaient pas, il fallait avoir beaucoup de chance, où mieux, avoir des contacts se faire connaître. En même temps, je continuais de visiter toutes les galeries et musées possibles. En 1979, maintenant libre de tout attaches, je prends donc une année sabbatique afin de me consacrer exclusivement à ma carrière. Dans ma grande naïveté habituelle, je vise très haut, le top du top, en rencontrant rien de moins que les responsables du musée d’Arts Contemporain de Montréal. Mais pour eux, je suis encore trop jeune et je n’ai pas encore assez d’années d’expériences et c'était vrai. Ensuite, j’obtiens une entrevue avec le directeur de la prestigieuse galerie « Clarence Gagnon ». Mais celui-ci me reproche de peindre trop de fœtus (que voulez-vous je voulais être père), il me conseille de peindre des scènes de ville car cela se vendent mieux, mais il m’ouvre quand même un dossier. Encouragé, je rencontre la responsable de la galerie « Saidye Bronfman ». Elle me dit que la galerie se consacre surtout aux artistes d’origine Juive et qu’elle ne sait juger que les peintures et non les photos de mon portfolio. Ne me décourageant pas, je me rends à Toronto pour faire une bonne trentaines de visites et finalement décrocher des contrats avec deux galeries. Mais n’étant alors qu’un artiste totalement inconnu, sans aucune expérience, aucune de mes entrevues ou pseudo entente n’aboutit à quelque chose de concret. Au contraire, je devrai faire 2 ans plus tard un 2e voyage en Ontario et poursuivre une des galeries en justice pour rupture de contrat afin de récupérer mes œuvres consignés. Nous artistes sommes pris dans le dilemme qu’il faut exposer pour être connu mais on constate vite que pour pouvoir exposer, il faut être connu. Je devais donc réajuster mon tir, mais ceci est une autre histoire
5) Enseignant secondaire partie 2 1980/83
J’avais été naïf mais fidèle à mes amis à mon amour. J’ai été durement éprouvé par les expériences difficiles des réalités de la vie d’artiste et de ma vie intime. N’avoir été centré que sur une personne et qu’une seule passion a détruit plusieurs de mes rêves. La vie me ramenait sur terre et je constatais à quel point, je manquais d’expériences tant professionnelle avec le marché de l’art, qu’avec les êtres humains côté personnel… Alors en 1981 quand mon épouse a voulu une nouvelle fois que je revienne dans sa vie, j’ai refusé car je ne voulais pas qu’elle vive ce que j’avais vécu et je devais m’ouvrir à d’autres horizons et d’élargir mes expériences. En cela les années 80 furent « rock and roll » car j’ai exagéré en sens inverse. Ce besoin de changement était aussi valable pour ma vie artistique qui avait été axée presque exclusivement sur la peinture. Je voulais développer de nouvelles formes d’expression, c’est comme cela que je me suis remis à la photo, à la sculpture, à la céramique, au batik, au crochet (entre autres). Vous auriez ris de voir les visages des hommes qui me regardaient tricoter… J’avais également des jardins secrets comme mon amour pour le piano, la guitare et le chant. En 1982 un ami et professeur de musique qui m’a découvert en spectacle me propose d’entrer dans la troupe de théâtre qu’il veut fonder « La chant’amuse » axée sur la production de comédie musicales. Non que je regrette d’en avoir fait partie de cette aventure pendant huit ans, car cela m’a décoincé socialement et aidé à jouer mon « rôle » de professeur. Mais je me suis pris dans un engrenage infernal où après avoir été comédien, chanteur, je deviens vite président, scénographe et co-auteur de « À l’Abri d’un rêve » pièce sur l’histoire de Baie-Comeau... Une autre très grande source de stress est venue de l’une de mes activités parascolaires en tant que responsable du club d’échec de la polyvalente des Baies avec ses nombreuses compétitions à lesquelles je participais et qui me mèneront en 1994 aux compétition aux jeux du Québec. Depuis lors je n’ai plus jamais retouché à un échiquier et remplacé cette tâche par l’animation du club de photo, ce qui fut très bénéfique pour mes nerfs et pour mon cœur.
La peinture était au ralenti mais le feu restait vivant sous la braise. Désormais, mon salaire de professeur d’Arts Plastiques, me libérait financièrement et je n’avais plus besoin de vendre mes œuvres pour vivre. Je pouvais donc m’exprimer comme bon me semblait, libre de peindre tout ce que voulais en oubliant le facteur ventes. Je pouvais refuser les commandes et n’avais pas à faire de concession sur quoi que ce soit. En1980, j’organise une expo rétrospective à Alma, ma ville natale, c’est pour moi un retour aux sources qui me permettra de renouer avec d’anciennes connaissances d’adolescence. Puis, pour étoffer mon CV artistique, j’organise des événements dans des lieux où les ventes étaient interdites, j’exposerai donc au musée de Baie-Comeau, de Rimouski et de Moncton en passant par des centres d’arts, des bibliothèques ect. Ma peinture intitulée « L’apocalypse » exprime bien cette période de ma vie : Avec la pollution, l’argent, la politique, la guerre, mon auto et sur le quai mon ex-épouse qui regarde quelque chose au loin...
Côté travail, bien que j’étais le chef du département d’Arts et musique et le seul avec un véritable diplôme en Arts visuel; j’étais aussi le plus jeune et donc celui avec le dernier choix de poste et quand il n’y a plus eu de tâches, c’est moi qui ai été mis en disponibilité. Comme la dernière boule de billard qui se ramasse au fond trou, je me suis ramassé dans le trouble à remplacer n’importe qui, n’importe quoi, n’importe comment. 66 minutes à garder 32 élèves par classe en silence avec des profs qui ne laissent aucun travail et des étudiants ne veulent rien savoir. Cela a été une année pire que l’enfer, sans période libre, sans aucun pouvoir, mais avec un directeur qui surveillait tout mes faits et gestes par la porte des classes. À la fin de cette année de fou, j’ai donc pris la décision de m’inscrire pour une maîtrise. Mais en janvier 1983, le destin en a décidé autrement car un poste en Arts se libérait au cégep et ceci est une autre histoire.
6) Enseignant au cégep 1983 à 2008
J’étais si heureux de quitter la misère du secondaire et d’entrer dans le prestigieux monde de l’enseignement pré-universitaire, mais j’ignorais alors dans quelle galère je m’embarquais. On m’a octroyé un petit bureau au 4e étage, bureau qui était si loin que je ne l’ai pratiquement jamais utilisé, ni occupé. Je préférais de beaucoup vivre et être présent et disponible pour les étudiants. Je fuyais les espaces réservés aux profs, si bien que j’étais invisible et inexistant pour plusieurs collègues. Je devais assumer plusieurs contenus à la fois et j’avais tout à faire, personne pour m’aider et pratiquement aucun matériel à disposition. La première année on m’a obligé dans une classe régulière du 2e étage (1). Avec une belle grosse poutre en plein centre et un seul petit évier pour 6 groupes de 30 élèves par groupe. C’était la norme pour les cours complémentaires que je donnais. Je ne me suis jamais pleins de cela car la seule fois où un groupe m’a causé de problème, ni aucun élève d’ailleurs. Mais au secondaire j’ai déjà eu un groupe de 52 étudiants, en comparaison, 30 c’était très peu et surtout la discipline au cégep n’avait rien de comparable à celle exigée au secondaire. L’année suivante vu que l’on trouvait mon local un peu trop beau, un peu trop grand et un peu trop lumineux. La direction m’a donc déménagé au sous-sol, sans fenêtres accessibles, aucun espace adéquat ni pour les travaux d’étudiants (2). Au moins j’avais un évier double qui bouchait une fois mois. J’ai eu la joie de donner mes cours dans ce sombre local pendant au moins 10 ans. Vers 1988, j’ai eu enfin droit à la création d’un laboratoire spécialisé tout neuf avec en annexe un bureau de professeur et un entrepôt (3). J’étais aux anges, un lieu incroyable où je ne pouvais même entreposer mon peu de matériel… Que peut-on acheter avec un budget de 150$ par session et par groupe, un jour, j’ai du retourner un jour une seule petite planche de pin (chauffé au four pour taille directe), elle coûtait 140$! j’explosais mon budget avec un seul article et c’est pourquoi les étudiants n’ont jamais fait de sculptures sur bois. Comme on dit, je devais me débrouiller avec les moyens du bord et faire des miracles avec RIEN. Pour faire du modelage, j’ai ramassé moi-même de l’argile sur la plage locale, elle ne coûte toujours rien et ce n’est qu’un exemple. J’ai toujours été débrouillard mais aussi malheureusement incapable demander de l’aide à qui que ce soit, pour quoi que ce soit et pour moi faire de la sollicitation est un vrai purgatoire. Au début des années 90, bien qu’un sondage prouvait que les Cégépiens préféraient mes cours à leurs propres cours de concentrations. La direction préféra elle créer un nouveau cours de concentration appelé « Arts et Lettres » appellation qui n’en avait que le nom puisque les étudiants n’y étudiaient que les Lettres : Anglais Espagnol et beaucoup de Français. Certains chanceux pouvaient suivre un cours d’Art en complémentaire mais UN seul cours et pas DEUX. En 1993, même un seul cours d’Arts semblera trop pour certains car au printemps, on voulu remplacer mes cours complémentaires par des cours de « Philo de l’art ». Le département de philosophie allait perdre 2 postes et un comité pédagogique préparait depuis septembre un nouvel organigramme de cours à cet effet pour l’automne suivant. Mais on m’avait comme par hasard « oublié », c’est ainsi que juste avant la fin de la session, un lundi matin de mai dans mon local et en plein cours, une directrice arrive avec une énorme pille de dossiers pour moi. Elle m’explique que j’ai seulement 3 jours pour rédiger un document pédagogique et le présenter un projet de cours pour l’automne, ce document devait être sous forme de devis de plan de cours élaborés par compétences, sans quoi, je perdais mon poste. Je devais faire très vite et j’ai du faire un travail colossal en peu de temps, passer deux nuits blanches afin de présenter à temps le document exigés lors de la réunion de sélection du jeudi. Ma présentation impressionna tellement que mon projet de cours a été acceptés à l’unanimité et sur le champ. Choqué, certains profs de Philo claquèrent la porte de la réunion en hurlant « Le Cégep de Baie-Comeau n’en a que pour Jean-Charles Tremblay ». À ce moment précis, j’ai eu comme une drôle d’impression contraire, car il aura fallu plus de 10 années de ballotements avant que moi petit prof oublié dans son coin ait un poste à temps plein grâce à ce document. Bien des années plus tard, en 2007, une conseillère du cégep me convoqua pour me dire : « J’ai reçu un document pédagogique intéressant qui viens directement du ministère de l’éducation et tu devrais l’étudier et peut-être l’utiliser car il serait très bon pour tes cours». En voyant le document, j’ai immédiatement reconnu mon document, celui que j’avais moi-même rédigé en 1993!!! Pendant 25 ans, j’ai donc été le seul professeur d’Arts au Cégep de Baie-Comeau alternant entre l’enseignement du dessin, de la peinture, de la sculpture, de l’histoire de l’Art, de la bureautique et de l’infographie. J’ai n’ai eu que des étudiants formidables, dévoués, impliqués et ouverts aux créations de toutes sortes. J’ai aussi donné des formations à l’éducation aux adultes en dessin, en croquis d’observation et en peinture. Puis dispensé de nombreux cours privés en portraits et des ateliers de peinture tant pour les débutants, que les intermédiaires et pour les artistes confirmés. J’ai finalement pris ma retraite en février 2008 et confié les reines de l’enseignement au cégep à une relève qui fait aujourd’hui un excellent travail. Pendant ma période d’enseignant au cégep, ma vie artistique continuait quand même, mais c’est une autre histoire…
L’œuvre
Depuis février 2008, je suis retraité de l’enseignement et me consacre exclusivement à ma première passion : La peinture
Mon souci du détail et ma recherche de la perfection sont des éléments qui, selon plusieurs, ont toujours caractérisés l’essence de ma peinture. Il est vrai que chacun de mes tableaux peut être vu comme le résultat d’une grande patiente et une recherche de volonté, d’émerveillement et de fascination. Mais patience et détermination ne sont pas ce qui prévaut dans ma démarche première. Elles n’en sont que le point de départ.
Mes œuvres en général demandent d’aller au-delà de ce qui est vu.
Depuis ma plus tendre enfance, je souffre d’un problème de surdité partielle. Ce qui ne l’a jamais empêché d’aimer profondément la musique sans jamais vraiment l’entendre. Depuis 2014, l’utilisation d’appareils auditif me permet d’avoir accès à l’émerveillement des sonorités qui avant m’étaient inaccessibles. Ce sont ces sons que je cherche à exprimer avec mes pinceaux. Par l’emploi d’une symphonie de couleurs allant au rythme des lignes vibrant en harmonie avec la lumière des êtres et des choses. Je veut exprimer la vibration de mes émotions dans le monde de mon intériorité, tout cela dans le respect du réalisme de ce qui est. Ainsi le spectateur peut être rassuré en reconnaissant le réalisme des éléments visibles de mes toiles. Au-delà des apparences et de la surface, il y a ce que l’œil ne voit pas et qui s’adresse à l’invisible et à l’âme de celui qui regarde.
J’offre aux regards de nombreux niveaux de sensibilité, sur des fonds de couleurs et de textures variées jaillit une lumière qui révèle autant de vies, de corps et de rêves que l’aube elle-même. Je veux émerveiller le spectateur avec une un coup de pinceau souple et luminescent qui inspire l’unité originelle et la transcendance.
Ce que je recherche surtout dans ma peinture, c'est l'expression des sentiments et des images qui sont enfouis au plus profond de nous-même. Elles mettent en relief les contrastes qui nous habitent, pouvant aller du calme à la tempête, de la lumière aux ténèbres, et des joies aux peines qui meublent mes souvenirs.
Au départ, je laisse libre cours à mon imagination, à mes fantasmes et à ma folie. C'est dans un univers de gestes et de taches spontanés, que je laisse dériver librement ma pensée. Au fil de la création, s'organise un univers transformé de l’intérieur ou la réalité se transpose en des “Visions” nouvelles et originales du monde. L'art n'est pas qu'une quête de beauté, d'harmonie et de perfection... Pour moi, l'art doit aussi exprimer quelque chose, des sentiments, des impressions et des pulsions...
Peindre est un dialogue intérieur, ce qui me surprend toujours quand je vais à la rencontre des gens, c’est l’intensité et la sensibilité avec laquelle ils reçoivent mon expression. Eux aussi je crois, y retrouve une forme d’apaisement, de recueillement. Au-delà d’une certaine quête esthétique, quand je constate que ma peinture touche au cœur, ma démarche artistique prend tout son sens.
Mes tableaux sont parfois le fruit d'une longue recherche, alors que d'autres partent de l'inspiration du moment. Cependant, l'élément humain y est toujours présent. Ma peinture exprime bien la dualité de mon être: le côté cérébral qui compose, ordonne et structure les formes et qui provient d’une formation académique. Mais aussi provient de mon côté sensible qui traduit mes émotions, mes sensations à travers les couleurs et les personnages qui habitent mes toiles. « Quand mes mots ne peuvent s’exprimer par mes paroles, je laisse mon art le faire. Mes tableaux expriment l’énergie et de mon moi intérieur, de ce que chacun porte en moi, si le spectateur veut bien tendre l’oreille et ouvrir les yeux de son cœur» N'ayez surtout pas peur de vous approcher de mes tableaux. Au-delà des apparences et des mots, ils essaient d'entrer en communication avec vous. A travers vos yeux, ils désirent parler à votre âme ».